Emploi handicap : Les établissements d’aide par le travail victimes de la crise
Les ESAT victimes de la crise
Faute de budget, les créations de places sont gelées depuis 2013 et ne permettent pas de répondre à la demande. C’est un tableau alarmant de la situation des établissements et services d’aide par le travail ( ESAT ) que dresse un rapport de la commission des finances du Sénat, paru en avril 2015. A la fois entreprises de sous-traitance et établissements médico-sociaux, ces structures, qui accueillent près de 120 000 travailleurs en situation de handicap, sont aussi victimes de la crise économique.
Le recours aux ESAT permet aux entreprises de s’acquitter partiellement de leur obligation d’emploi de personnes handicapées. En dépit de cet avantage, les ESAT voient partir des clients historiques sur leurs activités traditionnelles, comme le conditionnement de produits, souligne le rapport. « La situation est assez hétérogène d’un bassin d’emploi à l’autre, tempère Véronique Bustreel, conseillère emploi à l’Association des paralysés de France (APF), une structure qui gère vingt-cinq ESAT. Il est vrai que l’on est traditionnellement sous-traitants du secteur automobile, un secteur qui a beaucoup souffert ces dernières années. »
Tandis que les marchés se réduisent, « l’évolution des dotations [de l’Etat, NDLR] ne permet pas de couvrir l’augmentation des charges des ESAT », souligne le rapport. Faute de budget, les créations de places sont gelées depuis 2013 et ne permettent pas de répondre à la demande. Le vieillissement des personnes accueillies nécessite un aménagement des rythmes de travail. Dans le même temps, ces établissements se voient contraints d’assurer une certaine productivité pour se maintenir à flot. « Les ESAT doivent également gérer leur activité commerciale comme le fait une véritable entreprise », précise le rapport.
En dehors du droit du travail
Cette situation n’est pas sans conséquences sur les travailleurs des ESAT. Des conflits sporadiques agitent les établissements. A l’ESAT l’Envol de Lourdes, salariés et travailleurs handicapés se sont mis en grève pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail. « On accueille de plus en plus de personnes avec un handicap psychique, et les cadences de travail trop intenses ne leur sont pas adaptées », pointe un des travailleurs de l’ESAT, qui préfère rester anonyme.
Les travailleurs en ESAT font entendre leur voix. Une pétition pour « garantir les droits des travailleurs handicapés en ESAT » sur le site Mesopinions.com a recueilli plus de 4 500 signatures. Elle met notamment en cause le statut particulier de ces travailleurs, qui ne sont pas salariés : le droit du travail ne s’applique donc pas dans leur cas. Ce statut est d’ailleurs remis en cause par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu en mars 2015.
Entre contraintes budgétaires et engagement social, les ESAT se retrouvent pris entre deux feux. « Rentabilité et accompagnement médico-social ne sont pas incompatibles, soutient Béatrice Amsellem, directrice du réseau Gesat. De nombreux établissements sont tout à fait rentables. »
Pour sortir de l’ornière, le rapport parlementaire recommande notamment de faciliter l’insertion des travailleurs d’ESAT dans les entreprises ordinaires. Autre piste préconisée : la création d’une base de données commune recensant les ESAT afin de renforcer leur visibilité auprès des acteurs économiques.
Source : Le monde.fr