Pour une formation professionnelle réellement émancipatrice
Pour une formation professionnelle réellement émancipatrice
Pour Francis Daspe et Paul Vannier, membres du Parti de gauche, la formation professionnelle qui est une compétence des conseils régionaux peut constituer un véritable levier pour mener des politiques de rupture. Mais pour y prétendre, il faut qu’elle soit libérée des intérêts marchands et viser l’émancipation des personnes. Les régions pourraient alors devenir “un laboratoire de nos radicalités concrètes”, envisagent les auteurs.
Alors qu’approchent les échéances électorales, la formation professionnelle, compétence des conseils régionaux au carrefour de l’éducation, de l’emploi, du développement économique et de la politique d’inclusion sociale, peut constituer un levier pour mener des politiques de rupture.
Pour cela, les élus régionaux devront agir en respectant trois conditions. Alors que la formation professionnelle se prête aisément à la marchandisation, tant les budgets qui la concernent sont significatifs, il faudra d’abord l’extirper des griffes des marchands. Pour cela il faut refuser le développement, inconsidéré ou dogmatique, de l’apprentissage sous statut privé. Celui-ci témoigne d’ailleurs d’une continuité entre les deux derniers quinquennats : à chaque fois, le Medef voit ses desiderata exaucés. Cette conception de l’apprentissage octroie une bien regrettable validation aux politiques de casse de l’enseignement professionnel public, la réforme du bac pro en trois ans sous Darcos en a été une étape décisive. C’est ainsi que le nombre de fermetures de lycées professionnels s’est élevé depuis 2002 à 184, dont 36 lycées fermés depuis 2012. Les majorités socialistes des Conseils régionaux ont ainsi accompagné les politiques sarkozystes réduisant à peau de chagrin l’enseignement professionnel public. Alors que dans le temps, le parti socialiste dénonçait par le verbe au niveau national les contre-réformes de la droite en matière d’éducation, à l’opposé de la réalité des faits au niveau régional …
La formation professionnelle, libérée des intérêts marchands, doit également viser l’émancipation des personnes. Pour cela il faut rompre avec toutes les formes d’adéquationnisme, c’est à dire avec toutes les tentatives de soumission de l’offre de formation aux stricts besoins économiques locaux. Source d’assignation sociale et territoriale à résidence, l’adéquationnisme enferme dans des bassins d’emplois restreints et subordonne les aspirations professionnelles de chacun aux intérêts patronaux locaux. L’adéquationnisme rompt le fragile équilibre entre les trois piliers caractérisant toute politique de formation professionnelle tournée vers “l’émancipation concrète et radicale” : le projet professionnel personnel de l’individu, la nécessité politique de la nation de développer les forces de travail utiles au projet de transition sociale et écologique, les potentialités et les besoins du bassin d’emploi. La reconquête de la dignité de l’Homme, du travailleur et du citoyen doit se situer au centre des préoccupations.
Enfin, une politique de la formation professionnelle de gauche s’affranchira si nécessaire par la désobéissance aux directives européennes allant dans le sens de la concurrence et de la marchandisation. Ce sont elles qui sont à l’origine de la privatisation de la formation professionnelle.
Nous entendons remettre la formation professionnelle au cœur de notre projet de transformation sociale, en renouant avec sa visée émancipatrice. Dans ce domaine, comme dans d’autres, nous pouvons faire des régions un laboratoire de nos radicalités concrètes.
*Francis Daspe, président de la Commission nationale Education du Parti de Gauche
*Paul Vannier, Secrétaire National à l’Education du Parti de Gauche
Source : Marianne