Ordonnance accessibilité : trop tard pour annuler !
Le Conseil d’Etat rend, coup sur coup, deux décisions intéressantes sur la question de la mise en œuvre de l’accessibilité aux personnes handicapées. La première porte sur une demande d’annulation de l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées. La seconde concerne la déductibilité de la taxe foncière, pour les organismes HLM, des dépenses en faveur de la mise en accessibilité des locaux.
Ordonnance à durée limitée
Le premier arrêt, en date du 22 octobre 2015, résulte d’une saisine de l’APF (Association des paralysées de France), rejointe entre-temps par l’Unapei et d’autres associations de personnes handicapées. La requête visait à obtenir l’annulation, pour excès de pouvoir, de l’ordonnance du 26 septembre 2014, en ce qu’elle serait contraire aux dispositions de la loi Handicap du 11 février 2005 et au principe, posé par ce texte, de l’accessibilité universelle. L’ordonnance du 26 septembre, qui part du constat de l’impossibilité d’atteindre cet objectif au 1er janvier 2015, instaure notamment les désormais célèbres agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP).
La décision du Conseil d’Etat tient en quelques lignes et en reste à la forme juridique. En effet, “considérant que l’ordonnance du 26 septembre 2014 a été ratifiée par la loi du 5 août 2015 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées”, le conseil juge que “par suite, les conclusions de la requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’ordonnance attaquée sont devenues sans objet”. Les recours contre des dispositions législatives relèvent en effet du seul Conseil Constitutionnel, soit avant leur publication soit, après-coup, par la voie d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité).
Les travaux d’accessibilité des organismes HLM déductibles de la taxe foncière
Dans la seconde affaire, objet d’un arrêt en date du 21 octobre 2015, la Société Dauphinoise pour l’Habitat (SDH), organisme HLM, introduisait un recours contre un jugement du 14 novembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande de réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties concernant l’un de ses immeubles. En l’occurrence, la SDH avait fait réaliser – dans le cadre de la mise aux normes de sécurité – des travaux sur l’ascenseur de l’immeuble, contribuant ainsi à son accessibilité.
L’article 1391 C du code général des impôts prévoit certes que “les dépenses engagées par les organismes d’habitations à loyer modéré ou par les sociétés d’économie mixte ayant pour objet statutaire la réalisation ou la gestion de logements pour l’accessibilité et l’adaptation des logements aux personnes en situation de handicap sont déductibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties versée aux collectivités territoriales”.
Mais les services fiscaux, comme le tribunal administratif de Grenoble, jugeaient que, pour être déductibles de la taxe foncière, ces travaux devaient porter spécifiquement sur des équipements spécialisés pour les personnes handicapées. Ce qui n’était pas le cas en l’espèce, s’agissant, par exemple, du remplacement des portes palières battantes par des portes automatiques à tous les étages.
Or dans son arrêt, le Conseil d’Etat estime que le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit et que “dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la Société dauphinoise pour l’habitat est fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque”. La conclusion est que l’ensemble des travaux contribuant à la mise en accessibilité – même si ce n’est pas leur objet unique – sont déductibles au titre de l’article 1391 C du CGI.
Source : Localtis