Egalité hommes-femmes : la méthode Procter
Business case !
Impliquée sur les sujets de diversité et d’égalité hommes-femmes, Geraldine Huse, vice-présidente en charge des ventes est devenue la référence de ces questions au sein du groupe P&G. Retour sur les initiatives du géant.
Quand Procter & Gamble s’est rendu compte que les femmes qui pourraient potentiellement être appelées pour prendre un siège au conseil d’administration quittaient l’entreprise avant même d’en être arrivées là, le premier réflexe a été d’imaginer des raisons familiales, liées à l’insuffisance des mesures en faveur des congés de maternité ou de la flexibilité du temps de travail. Mais une enquête interne a montré que tel n’était pas le cas : ces femmes « haut potentiel » se destinaient à d’autres emplois et d’autres carrières, et elles estimaient que les mesures en place situaient plutôt P& G favorablement face à ses concurrents… « Nous avons alors lancé une vaste étude pour mieux comprendre pourquoi des femmes nous quittaient en cours de chemin vers les plus hautes responsabilités. Et nous avons découvert la dure réalité : les raisons des ces défections étaient liées à notre culture, aux parcours et aux processus de carrière, à l’absence de parité au sommet, mais aussi à la façon dont les femmes exprimaient leur confiance en elles et leurs aspirations au sein de l’entreprise », explique Geraldine Huse, VP Global Sales (vice-présidente en charge des ventes mondiales) de Procter & Gamble. « Nous nous sommes alors concentrés sur chacun des ces aspects au sein de la filiale britannique. Nous avons remis les choses en place au cours des quinze dernières années, et institué la parité hommes-femmes à tous les échelons, jusqu’aux postes de directeur général et de vice-président », précise la dirigeante britannique.
Les avantages de l’égalité hommes-femmes dans l’entreprise ? « Des premiers niveaux au conseil d’administration, les équipes diversifiées donnent de meilleurs résultats », pose cette dernière.
De multiples avantages business
« Pour commencer, nous devons atteindre une diversité égale à celle des milliards de consommateurs que nous cherchons à satisfaire », explique Geraldine Huse. « Dans une équipe professionnelle, la diversité des collaborateurs apporte une diversité de styles et de méthodes de travail. Elle favorise les nouvelles idées et les innovations qui engendrent la croissance de l’entreprise. Elle permet d’éviter les écueils de la « pensée de groupe », qui pousse à s’accrocher trop longtemps à de mauvaises idées du fait que personne ne propose autre chose ou ne signale l’importance des risques qu’entraîne l’immobilisme. Une équipe diversifiée est plus à même de remettre en question les normes établies et d’élaborer les stratégies gagnantes qui l’emporteront sur un marché en mutation constante. Mobiliser la totalité des talents disponibles dans l’entreprise, c’est renforcer la qualité des dirigeants et des cadres, car ils sont réellement choisis à partir de tout le vivier des meilleurs talents, et pas seulement à partir des 50 % d’hommes parmi les meilleurs talents ».
Selon une enquête interne réalisée par le groupe, les équipes qui mettent en pratique la diversité de genres vendent en moyenne 5 % de plus que les équipes homogènes. « Même quand il s’agit de produits typiquement masculins ou féminins, comme les produits de soins féminins ou les marques de rasage comme Gillette _ où l’on pourrait supposer que l’homogénéité de l’équipe serait un atout_ , les équipes diversifiées fonctionnent mieux et obtiennent de meilleurs résultats », souligne la top-manager. Aujourd’hui, « 45 % des cadres de P&G sont des femmes ; nous avons multiplié par deux le pourcentage des femmes vice-présidentes au cours des quinze dernières années ; il y a 40 % de femmes au conseil d’administration. Et nous constatons chaque jour les avantages de cette politique, tant dans les résultats que dans la santé de notre groupe ».
La mise en place de process n’est pas tout
Pour atteindre cet objectif d’égalité « iI n’y a pas de solutions-miracle », témoigne la responsable de P&G. « Cette tâche exige un engagement de long terme de toute l’entreprise, et en particulier de sa direction générale, pour porter les changements et agir en partisans de la parité ». Alors que culture d’entreprise, pratiques de travail, parcours de carrière, styles de direction, critères de promotion ont été conçus pour favoriser des modes de travail et de carrière masculins, c’est à cette aune les résultats sont jugés. « En un sens, c’est normal puisque la plupart des dirigeants étaient à l’époque des hommes. Mais on avait en quelque sorte aménagé un terrain de jeu en pente sur lequel les hommes ont plus de facilités pour réussir que les femmes, et il a fallu y remédier pour rétablir l’équilibre », illustre Geraldine Huse. L
Dans ce contexte, la première mesure à prendre est d’assurer la mise en place de politiques et de processus justes, y compris dans les méthodes de recrutement, les régimes de travail plus flexibles et les plans de succession, préconise cette dernière en soulignant que ces mesures ne représentent que la moitié de la feuille de route, car il faut également prendre en compte les questions culturelles. « Il est bien plus difficile de s’attaquer à ces questions culturelles et comportementales que de se contenter de nouvelles mesures, car il s’agit de quelque chose qui met en jeu toute la structure de l’équipe et les méthodes de travail. », avertit-elle.
Gare aux partis pris inconscients
La méthode ? « Il faut prévoir à tous les niveaux des formations sur les styles de direction inclusifs et la mise en place d’une culture inclusive ; il s’agit d’aider les gens à identifier et à atténuer leurs a priori inconscients qui peuvent nuire à la prise de décisions, à la dynamique d’équipe et à la planification de succession », encourage Geraldine Huse qui raconte que les dirigeants de P&G avaient auparavant l’impression d’agir de manière très inclusive alors que les femmes parlaient d’un « club d’hommes » et avaient le sentiment de ne pas être prises en compte dans les décisions.
Chez P&G, de telles formations sur la différence de style entre hommes et femmes et sur les partis pris inconscients ont été lancées, avec mentoring inversé, ce mentoring dans lequel un dirigeant choisit un subalterne du sexe opposé comme mentor pour qu’il lui donne du feedback sur son style de direction et son fonctionnement dans toute l’équipe.
La dirigeante recommande enfin aux directions de « comprendre les besoins et les aspirations propres aux femmes, mais aussi leur façon de les exprimer, et (de) prendre conscience de l’écart entre la conception que les femmes peuvent avoir de leur potentiel et celle qu’en a l’entreprise ».
Contrairement à la plupart des hommes, « beaucoup de femmes douées doutent de pouvoir réaliser les grandes choses dont on les sait pourtant capables », témoigne-t-elle en étant persuadée de la nécessité de stimuler la confiance et l’ambition des femmes dans toute l’entreprise. Chez P&G, « nous avons compris que les femmes et les hommes n’expriment pas de la même manière leur assurance et leurs aspirations, et que cette différence se traduit par la stagnation professionnelle pour les femmes », pointe Geraldine Huse. « Nous avons formé nos dirigeants à analyser sérieusement les résultats des individus, leur expérience, leurs compétences afin de pouvoir choisir objectivement le meilleur candidat en vue d’une promotion », détaille-t-elle. Un constat s’est imposé : « notre évaluation du potentiel d’une femme est supérieur à la sienne… Nous devons le lui expliquer, renforcer son assurance et l’encourager à gravir les échelons. Et les exemples [les rôles-modèles] sont en la matière très importants : il faut qu’une salariée puisse voir que « quelqu’un comme elle » a réussi et s’épanouit, tant personnellement et professionnellement. ». Action !
Source : Les Echos business