Les barrières à la scolarisation d’élèves handicapés persistent
Les barrières à la scolarisation d’élèves handicapés persistent
Des progrès, mais peut mieux faire. Telle est l’appréciation donnée par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) à la scolarisation des élèves handicapés. Après une décennie (2005-2015) de progrès jugés « fulgurants » en la matière, qui a vu les portes de l’école s’ouvrir à ces enfants, l’instance d’évaluation a présenté, jeudi 11 février, ses préconisations pour que l’on s’approche davantage de l’idéal d’une école « inclusive ». Cette présentation fait à la suite d’une conférence de comparaisons internationales sur le sujet, organisée les 28 et 29 janvier en présence de décideurs.
D’abord, les succès. Dix ans après la loi de 2005, qui a instauré un droit à la scolarisation pour tous les enfants et adolescents handicapés, la situation s’est considérablement améliorée. En une décennie, le nombre d’élèves handicapés scolarisés en « milieu ordinaire », c’est-à-dire dans une école lambda, a presque doublé (252 285 élèves en 2014 contre 133 838 en 2004). Aujourd’hui, la moitié des élèves handicapés sont scolarisés dans une classe ordinaire et bénéficient, si besoin, de l’accompagnement d’un auxiliaire de vie scolaire. Un quart est scolarisé dans une classe spécialisée d’une école ordinaire. Près de 20 % suivent leur scolarité dans un établissement médico-social ou à l’hôpital. Cette évolution concerne tous les niveaux de la scolarité, de la maternelle au lycée, et tous les types de handicap – même si les déficiences intellectuelles sont moins représentées en milieu ordinaire que les déficiences physiques.
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Très peu d’accès aux études postbac
« Plus crucialement, c’est la vision du handicap à l’école qui a été révolutionnée, observe la sociologue Nathalie Mons, présidente du Cnesco. Historiquement, cette scolarisation a porté tous les traits de l’univers médical, le handicap étant considéré comme une déficience, une maladie, davantage qu’une différence. Désormais, la France a adopté le modèle de l’école inclusive, qui n’est plus strictement enfermé dans une vison médicale du handicap. Cette vision de l’enfant et de la société moins normée accepte les différences comme une diversité. » Elle se traduit par le droit d’apprendre dans le même environnement que les autres, de prendre pleinement part à la vie de l’école, d’être reconnu comme membre à part entière de cette communauté.
La France a ainsi rattrapé son retard en la matière, rejoignant un mouvement qui concerne la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). De fait, depuis une vingtaine d’années, la quasi-totalité d’entre eux se sont dotés de législations venant concrétiser le droit à une « éducation inclusive » (à l’image du No Child Left Behind Act, en 2001, aux Etats-Unis), avec une tendance à accueillir davantage les élèves handicapés en milieu ordinaire, et moins en structures spécialisées.
Le bilan du Cnesco demeure toutefois nuancé. Premièrement, si « l’école inclusive est bien en train de devenir une réalité dans le primaire, les élèves en situation de handicap sont encore très souvent séparés des autres au collège, et plus encore au lycée », souligne Nathalie Mons. La quasi-totalité des enfants handicapés âgés de 3 à 5 ans sont scolarisés dans une école ordinaire ; à 12 ans, ils sont 80 % ; à 15 ans, un peu plus de 60 % ; et à 18 ans, seulement 44 %. Ils accèdent très peu aux études postbac : seuls 6 % des jeunes handicapés âgés de 20 à 24 ans sont diplômés de l’enseignement supérieur.
Eliminer les « barrières physiques » à la scolarisation
Deuxièmement, les parcours scolaires sont plus « heurtés » : plus de redoublement, plus d’échec, plus de réorientation. Les études montrent par ailleurs que les élèves handicapés sont moins à l’aise à l’école, tout comme leurs parents, qui ont une perception moins positive de la scolarisation de leur enfant que les autres parents.
Parmi ses préconisations, le Cnesco propose d’abord d’éliminer une fois pour toutes les « barrières physiques » à la scolarisation. De fait, tous les établissements scolaires ne sont pas encore aux normes d’accessibilité. Mais les défis sont loin d’être seulement matériels. Si l’accent a été mis jusqu’à présent sur les progrès quantitatifs (plus d’élèves handicapés à l’école), le Cnesco appelle de ses vœux un « acte II », qui soit davantage qualitatif.
Cela pourrait passer par une sensibilisation des autres élèves au handicap, par un tutorat entre pairs pour favoriser le vivre-ensemble et prévenir les préjugés, par un accès des élèves handicapés aux activités périscolaires – ce qui est loin d’être toujours le cas, comme l’avait souligné en 2014 le Défenseur des droits. Le Cnesco propose aussi de généraliser l’équipement des élèves handicapés en tablettes numériques chargées de logiciels offrant une alternative à la prise de notes. Il invite enfin à repenser la formation des enseignants. Outre la formation à la connaissance du handicap, ceux-ci doivent disposer de méthodes pédagogiques plus « diversifiées » pour s’adapter aux besoins particuliers de chaque élève.
Source : Le monde.