L’obligation d’emploi des handicapés moins contraignante depuis la loi Macron ?
Avec la loi Macron, l’obligation d’emploi des handicapés est devenue moins contraignante
Il a fallu passer par des quotas pour inciter les employeurs à embaucher des travailleurs handicapés. Depuis 1987, la loi impose aux entreprises de plus de 20 salariés de compter au moins 6 % de travailleurs handicapés dans leurs effectifs. Les sanctions financières ont été durcies par la loi handicap de 2005. La loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances ouvre discrètement de nouvelles possibilités pour les entreprises de s’acquitter de leur obligation. Des mesures saluées par les entreprises, mais qui sont loin de faire l’unanimité parmi les associations de personnes handicapées.
Désormais, les entreprises pourront remplir en partie leur obligation d’emploi en accueillant des personnes handicapées dans le cadre de stages de « mise en situation professionnelle », un dispositif d’une durée de un à deux mois introduit en 2014 par la loi sur la formation professionnelle. Jusqu’à 2 % de leur quota pourront être atteints par ce biais.
Les stages d’observation accomplis par des collégiens et des lycéens handicapés pourront également être comptabilisés, là aussi à hauteur de 2 % au maximum.
Les innovations
Autre nouveauté introduite par la loi Macron : les entreprises pourront déduire de leur obligation d’emploi des contrats passés avec des travailleurs indépendants handicapés. Les modalités de mise en œuvre de ces dispositions ne sont pas encore connues, les décrets d’application sont attendus courant novembre.
Sans surprise, le Medef se dit favorable à ces dispositions. Concernant les stages de découverte et de mise en situation professionnelle, « cette mesure est de nature à favoriser l’accès des jeunes en situation de handicap à l’entreprise. Il faut donc s’en réjouir », nous déclare le Medef. Même approbation concernant le recours aux travailleurs indépendants : « nous ne pouvons que saluer cette mesure, qui a le mérite de valoriser l’initiative entrepreneuriale des personnes en situation de handicap, tout en restant attentif à la mise en œuvre de cette disposition », poursuit le syndicat patronal.
Avant la loi Macron, les entreprises qui n’atteignaient pas 6 % de travailleurs handicapés dans leurs effectifs pouvaient déjà s’acquitter partiellement de leur obligation d’emploi en recourant à des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) ou des entreprises adaptées (EA) qui employaient, elles, des handicapés, mais aussi inclure dans leurs quotas des stagiaires handicapés en alternance ou dans le cadre de la formation professionnelle.
L’introduction de ces nouvelles dispositions ne seraient-elles qu’un simple alignement de la loi sur l’existant ? Pas aux yeux de Véronique Bustreel, conseillère nationale emploi à l’Association des paralysés de France (APF). « Il s’agit de facilités supplémentaires accordées aux entreprises, sans que cela se traduise pour les personnes en situation de handicap par une amélioration de leur place dans le monde du travail, dénonce-t-elle. Des stages de courte durée, mis bout à bout, permettent aux entreprises de remplir partiellement leur obligation, sans équivaloir à des emplois directs. » Dans les cas de stages de « mise en situation professionnelle », le demandeur d’emploi n’est ni rémunéré ni employé par l’entreprise.
Recours aux indépendants
La conseillère emploi à l’APF se montre plus mitigée sur la mesure concernant le recours aux travailleurs indépendants, réclamée par l’Union professionnelle des travailleurs indépendants handicapés (UPTIH). « Bien que nous soyons favorables à une démarche en direction de ce public, ce dispositif n’est pas de nature à favoriser l’intégration des personnes handicapées dans l’entreprise et présente des risques d’abus, considère-t-elle. Par exemple, si le coût de la prestation d’un indépendant est comptabilisé comme équivalant à l’emploi de plusieurs salariés handicapés, ou encore si celui-ci a des salariés, rien ne garantit que la prestation a bien été accomplie par la personne handicapée ». Selon l’UPTIH, 71 600 personnes handicapées exercent en France une activité sous le statut de travailleur indépendant.
Du côté de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph), sa présidente, Anne Baltazar, se montre d’un avis moins tranché sur l’ensemble des mesures : « Ces dispositions ne concourent pas à l’emploi pérenne de salariés dans les entreprises, confirme-t-elle. Mais on peut aussi espérer un effet positif sur la création d’activité par les entrepreneurs indépendants handicapés, ainsi que sur l’insertion de jeunes handicapés en entreprise. » La formation insuffisante des personnes handicapées – selon l’Insee, 75 % n’ont pas le niveau bac − est régulièrement pointée du doigt par les employeurs. En offrant aux entreprises plus de possibilités de s’acquitter de leur obligation d’emploi par le biais de stages, la loi Macron pourrait encourager leur formation professionnelle.
La présidente de l’Agefiph s’inquiète toutefois des conséquences de ces mesures sur le fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés : « Ces dispositions contribuent à émietter la participation des entreprises au financement de l’Agefiph », regrette-t-elle. Les entreprises qui ne comprennent pas 6 % de travailleurs handicapés dans leurs effectifs doivent en effet verser une contribution financière s’élevant jusqu’à 1 500 fois le smic horaire. En offrant davantage de modalités aux entreprises pour répondre à leur obligation d’emploi, « ces mesures vont mécaniquement avoir un impact sur la contribution versée par les entreprises, même si le degré de cet impact est très difficile à établir », explique Stéphane Clavé, le directeur général de l’Agefiph.
Surtout, « le gouvernement ne fait pas ce à quoi il s’était engagé par ailleurs », enchérit Mme Bustreel, en référence à l’alignement de l’obligation d’emploi du secteur public sur celui du secteur privé. « Cet engagement figurait dans la feuille de route du conseil interministériel du handicap de septembre 2013, poursuit la conseillère emploi à l’APF. Or, on n’a toujours pas de réponse à ce sujet aujourd’hui. »
Source : Catherine Quignon /Journaliste au Monde